• Coatascorn   ***   Koadaskorn

     

    page ouverte en 2003       * forum du site Marikavel : Academia Celtica dernière mise à jour 29/05/2009 13:10:30

     

    Définition : commune de la Bretagne historique; Bro-Dreger / Trégor; évêché de Tréguier; .

    Aujourd'hui dans la région économique dite "de Bretagne"; département des Côtes d'Armor; arrondissement de Lannion; canton de La Roche-Derrien, sur le Jaudy.

    Superficie : 805 ha.

    Population : 600 'communiants' vers 1780; 814 hab. en 1852; 798 hab. en 1878; 745 hab. en 1881; 716 hab. en 1890; 281 hab. en 1970; 211 hab. en 1982; 212 hab. en 1990; 226 hab. en 1999; 

     

    Blason; logo

     

     

    Paroisse : église sous le vocable de saint Maudez.

     

    Documents :

    * Ogée (1780) : Coatascorn; sur un des bras de la rivière de Tréguier, à 2 1ieues au S.-S.-O. de Tréguier, son évêché; à 29 1ieues de Rennes, et à 1 1ieue 1/2 de Pontrieux, sa subdélégation. Cette paroisse ressortit à Lannion; on y compte 600 communiants. Le cure est à l'Ordinaire. Ce territoire, couvert d'arbres et buissons, forme un terrain plat; les terres y sont de bonne qualité et bien cultivées; on y voit peu de landes.

    * Marteville et Varin (1843) : COATASCORN, commune formée de l'anc. par. de ce nom, aujourd'hui succursale. — Limit. : N. Prat ; E. Runan , Brélidy (rivière du Jaudit) ; S. et O. Bégard. — Princip. vill. : Couvent-Arhars, Kernevez-Bras, Kernevez-Bihan, Goas-Rivel, Traon-Josse, Kerthomas, Rubleizic , Kergreun , Garmel, Kernescop, Rue-Bois, Arzeuren, Kermadec, Kervenio, le Prado, Crehestic, Kergolo, Kerigel, Mezomeur, Kergoulec, Balthazard, Kerguiniou, Pen-an- Guer, Pen-an-Pavé, Coat-Briand, Pen-an-Crec'h, Kerjan, Kermorgar, Kerhalic. - Superf. tôt. 827 hect. 51 a., dont les princip. div. sont : ter. lab. 606; prés et pat. 36; bois 57; verg. et jard. 5; landes et incultes 85; sup. des prop. bât. 5; coût, non imp. 33. Const. div. 231; moulins 3 (de Kerizel, de Kermorgan, à eau.) >>> 11 y a, outre l'église, la chapelle Saint-Maudez. — Géologie : Granite. — On parle le breton.

    >>> Ascorn, os en breton. On ignore d'où vient à cette paroisse le nom du Bois-de-1'Os. Si le mot os avait été employé au pluriel, qui est eskern, ossements, on aurait pu croire qu'elle le doit à quelque bataille livrée sur sou territoire. D. B.

     

    Histoire

    Cité des Ossismes

    A l'époque de l'indépendance gauloise, puis durant l'empire romain, ce territoire fait partie de la cité des Ossismes, dont la capitale est Vorgium / Carhaix, située au centre géographique de la cité. 

    De façon plus précise, le territoire de Coatascorn se trouve en Pagus Tricurius > Bro Dreger / Trégor. 

     

    Carte extraite des Voies romaines en Côtes du Nord, d'Alain Le Diuzet pour Mouez ar Vro

    Coatascorn / Koadaskorn est indiquée par le point rouge.

    Les points mauves indiquent les évêchés du Yaudet et de Tréguier.

    *****

    Installation des Britto-romains

    Le territoire fait partie de la dotation faite par l'empereur Maxime (Magnus Clemens Maximus Augustus) / Maxen Wledig, à son beau-frère, le Britto-romain Conan (Mériadec), vers 385. Il fait donc ainsi partie du premier 'royaume' breton de Bretagne armoricaine. 

    A partir de l'organisation de la la Bretagne armoricaine, fin Vè siècle / début VI è siècles, le territoire de Coatascorn semble faire partie, selon R. Couffon, de la paroisse bretonne primitive de *Plegauguern, (successeur probable d'un fundus gallo-romain) comprenant Guénézan, Trézélan, Botlézan, Coatascorn, Lanneven, Saint-Norvez.. 

    L'ensemble fait patrie intégrante du Trégor.

    *****

     

    Étymologie

    * Marteville et Varin (1843) : "Ascorn, os en breton. On ignore d'où vient à cette paroisse le nom de Bois-de-l'Os. Si le mot os avait été employé au pluriel, qui est eskern, ossements, on aurait pu croire qu'elle le doit à quelque bataille livrée sur son territoire".

    * J. Rigaud (1890) : " D'après les légendes du pays, le nom de cette commune viendrait des nombreux bois (coat) qui la couvraient autrefois, et de ascorn, ossements, peut-être en souvenir d'anciennes sépultures".

    * Albert Dauzat et Charles Rostaing (1963-1978) : "coat = bois + askorn = os".

    * Régis de Saint-Jouan (1990) : "L'église de Coetascorn est citée vers 1330;  ... Quoitascorn était une paroisse dès 1429;  ... On rencontre ce nom sous sa forme actuelle à partir de 1505".

    * Bernard Tanguy (1992) : "Coetascorn, vers 1330; Coatascorn, fin XIVè siècle; Quoitascorn, 1429; Coetscorn, 1439; Quatascorn, 1486; Coatascorn, 1505; en breton : Koadaskorn".

    "Si le nom, que l'on relève aussi comme lieu-dit à Quemper-Guézennec, parait bien être un composé du breton koat "bois" et askorn "os", sa raison d'être est difficile à expliquer, du fait de l'emploi du second terme au singulier. Lié à la présence d'ossements, le pluriel eskern serait, comme dans le toponyme Coat-an-Esquern, à Hengoat, plus approprié. Curieusement, cependant, un village de Garnel (de karnel "ossuaire, charnier") existe au sud-ouest du bourg, dénomination également présente, comme microtoponyme, au voisinage du lieu-dit Coz-Ilis "la vieille église". Ce nom n'est pas nécessairement l'indice d'un transfert du centre paroissial".

    * Éditions Flohic (1998) : "du breton coat, bois, et askorn, os".

    * Jean Maguer (1999) : "L'étymologie bretonne de Coatascorn évoque coat, le bois, ascorn, l'os, et s'expliquerait par la présence jadis sur la commune de nombreux bosquets d'ifs".

    * Hervé Abalain (2000) : "Coetscorn en 1439; Coetenstourin en 1457; l'explication traditionnelle par 'koad' et 'askorn', "bois" et "os" est contestée et le sens de "Bois-de-l'Os" difficile à interpréter : s'agit-il d'un ossuaire ?

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    Commentaire JC Even

    - lieu-dit / village Ar Garnel = le Charnier, à l'ouest du bourg de Coatascorn.

    - Il existe un lieu-dit Ysgwrn, village de Hedd Wyn, en Trawsfeynydd, en Pays de Galles. L'auteur qui en parle, Ifor Williams, compare ce nom au breton armoricain scourn, scorn. Il est vrai que cette étymologie bretonne skorn = glace (= eau gelée), a parfois été proposée. Reste à savoir sur quoi on peut alors baser localement cette étymologie.

     

    Patrimoine. Archéologie

    seules les fenêtres ouvertes ont des liens actifs

    Le bourg Ar bourg
    Église saint Maudez Iliz sant Vode
    Croix de Kerlast Kroaz Kerlast
    Croix de Kernevez Kroaz Kernevez
    Croix du Harz Kroaz ar C'harz.
    Chapelle de saint Emilion Chapel sant Mulion
    Manoir de Kerguiniou Maner Kerginiou
    Calvaire du Garnet Kalvar ar Garnel
    Moulin de Brelantec (XVIIIè, XIXè)  

     

    Personnes connues Tud brudet
    P. Raoul de Kerguiniou, cordelier du couvent de Guingamp, témoin au procès de béatification de Charles de Blois P. Raoul a Gerginiou, santfransezad  e kouent Gwengamp, test e prosez gwenvidikadur Charlez Bleiz.
    Réné MIDY, poète Reun MIDY, barzh

     

    Vie associative Buhez dre ar gevredadoù
       

    Les blasons, logos et triskells rouges sont des liens actifs

     

    Communes du canton de La Roche-Derrien Parrezioù Kanton ar Roc'h
    Berhet Berc'hed
    Cavan Kawan / Kaouan
    Coatascorn Koadaskorn
    Hengoat Hengoad
    Mantallot Mantallod
    Pommerit-Jaudy Peurid ar Roc'h
    Pouldouran Pouldouran
    Prat Prad
    Quemperven Kemperven
    La Roche-Derrien Ar Roc'h Derrien
    Troguéry Trogeri

     

    Sources :

    * Ogée : Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la Nation bretonne, vers 1780; 

    * A. Marteville et P. Varin : continuateurs d'Ogée, avec corrections et mises à jour adaptées à la situation post-révolutionnaire. 1843.

    - Adolphe Joanne : Département des Côtes-du-Nord. Hachette. 1878.

    - Adolphe Joanne : Dictionnaire des communes du département des Côtes-du-Nord. 1886.

    - J. Rigaud : Géographie historique des Côtes du Nord. 1890.

    - Frotier de la Messelière : De l'age probable des châteaux de terre, dans Société d'Émulation des Côtes-du-Nord, n° LXV 1933.

    - René Couffon : Recherches sur les églises primitives, dans Société d'Émulation des Côtes-du-Nord; n° LXXV 1945-1946.

    - Alain Le Diuzet : Voies romaines en département des Côtes du Nord. Mouez ar Vro. 1960.

    - Albert Dauzat et Charles Rostaing : Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France. Librairie Guénégaud. 1963-1978.

    - Ifor Williams : Enwau Lleoedd. Gwasg y Brython. Laerpwl / Liverpool. 1969.

    - Elwyn Davies : Rhestre o Enwau Lleoed / A gazetteer of Welsh Place-names. Gwasg Prifysgol Cymru / University of Wales Press. 1975

    - Régis de Saint-Jouan : Dictionnaire des communes du département des Côtes d'Armor. 1990.

    - Bernard Tanguy : Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes-d'Armor. Chasse-Marée - Ar Men. 1992

    - Éditions Flohic : Le patrimoine des communes des Côtes-d'Armor. 1998.

    - Edmond Rébillé : Itinéraire littéraire en Côtes d'Armor. Coop Breizh. 1998.

    - Jean Maguer : Kanton ar Roc'h. Petite histoire du canton de La Roche-Derrien. Impram. Lannion. 1999.

    - Hervé Abalain : Les noms de lieux bretons. Universels Gisserot. 2000.

    * Daniel DELATTRE : Les Côtes d'Armor. Les 372 communes. Éditions Delattre. 2004. 

     

    Liens électroniques des sites Internet traitant de Coatascorn / Koadaskorn 

    * lien communal : 

    * forum du site Marikavel : Academia Celtica

    * solidarité nationale bretonne avec le département de Loire Atlantique : Loire-Atlantique

    hast buan, ma mignonig vas vite, mon petit ami

    go fast, my little friend

     

     

    Bonnes adresses à connaitre          Chomlec'hioù mat da anavezout          Good adresses to know; 

     

    Veuillez cliquer sur le texte défilant / Mar plij, grit klik war ar skridenn-gerzh; please click on the running text


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  • Un rassemblement samedi 30 pour sauver le téléphone - Coatascorn

    mercredi 20 janvier 2010


    " src="http://www.ouest-france.fr/of-photos/2010/01/20/ln52_935016_1_px_470_.jpg" title="Le maire et ses adjoints organisent, samedi 30 janvier à partir de 17 h un grand rassemblement à la salle polyvalente pour sauver le téléphone dans la commune.

    " />

     

     

    Le maire et ses adjoints, toujours en délicatesse avec France Télécom (Ouest-France d'hier) ont décidé de ne pas baisser les bras et de faire pression sur l'opérateur historique de la commune.

    « On veut montrer à France Télécom qu'il y a une cohésion qui dépasse le cadre de la commune, précise Germain Sol Dourdin. C'est pourquoi nous invitons la population, les élus locaux, régionaux et nationaux ainsi que les communes bretonnes qui sont dans notre situation à un grand rassemblement, samedi 30 janvier, à la salle polyvalente à partir de 17 h. »

    Une pétition circulera dans les rangs, « elle sera ensuite adressée au président de la République ». Le rassemblement sera suivi d'un concert avec le duo trégorrois Suignard-Le Bars à partir de 18 h,


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  • Insolite. Coatascorn attend toujours le téléphone !

    17 juin 2009 à 16h23

    Voilà près d'un mois que la petite commune de Coatascorn (22), située près de Lannion, est privée de téléphone. Depuis le 22 mai, les 84 foyers équipés sont coupés du monde en raison de problèmes techniques. Une situation contre laquelle se battent le conseil municipal et l'ensemble de la population. Aujourd'hui, un représentant de France Télécom est à nouveau venu sur place pour tenter de rassurer les habitants de Coatascorn.

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    Le feuilleton Coatascorn continue. La commune costarmoricaine est toujours privée de téléphone et cela fera bientôt un mois que ça dure. France Télécom a cru régler le problème à plusieurs reprises. Mais à chaque fois, le problème est réapparu. " On a eu le téléphone quelques jours et puis c'est reparti tout de suite ", souffle une habitante en colère.

    84 foyers concernés
    La patience des abonnés de Coatascorn a ses limites. Et aujourd'hui, les 84 foyers concernés en veulent sérieusement à France Télécom. " C'est incryoable qu'en 2009, à une époque de haute technologie, on ne soit pas capable de rétablir le téléphone en quelques jours ", s'emporte un habitant.

    Le maire et la population interpellent France Télécom
    Pour le moins gênée aux entournures, France Télécom a dépêché l'un de ses responsables ce matin à Coatascorn. Alain Capp, directeur des relations avec les collectivités territoriales, était invité à une réunion du conseil municipal spécialement organisée pour l'occasion. Le maire, Germain Sol Dourdin, mais aussi la population ne se sont pas privés pour interpeller le représentant de France Télécom.

    Rétablir le téléphone au plus vite
    Avec force souvent mais aussi avec humour. Une dame a ainsi proposé de revenir à un mode de communication oublié : deux boites de conserve reliées par un fil. Rudimentaire mais efficace. Alain Capp, lui, a juré que tout était fait pour rétablir au plus vite le téléphone dans la commune et que les clients seraient dédommagés à hauteur du préjudice subi. Affaire à suivre...

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    Coatascorn. Le téléphone doit être rétabli aujourd'hui

    18 juin 2009 à 11h13

    Le téléphone devrait revenir aujourd'hui à Coatascorn, selon France Télécom. Les 84 abonnés sont privés de communications depuis près d'un mois, en raison de pannes à répétition sur le système de radiotéléphone qui dessert la commune. Ce système a été entièrement remis à neuf. Toutefois, des techniciens vont effectuer des tests pendant toute la journée, ce qui pourrait occasionner encore des coupures. Par la suite, France Télécom envisage d'investir dans un système filaire, plus fiable.

     

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    Coatascorn

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    Téléphone. France Telecom ne tient pas ses engagements

    5 novembre 2009

    On pensait le dossier du téléphone et du haut débit sur la bonne «voix». En fait, il n'en est rien. Rappelons-le, la commune avait été coupée du monde pendant près d'un mois en juin dernier. Germain Sol Dourdin, et le collectif des habitants en colère avaient multiplié les actions pour faire avancer les choses. Mardi soir, dans une réunion publique, et en présence de Jeanine Le Béchec, conseillère générale du canton, le maire a annoncé de bien mauvaises nouvelles à la population.

    «Pas remis en cause mais reporté»

    Ce début novembre devait voir, les premiers effets des engagements de France Telecom pour résoudre le problème. La direction avait promis de mettre en place un système téléphonique filaire dans le cadre du service universel, d'enfouir le réseau dans le bourg, de fournir les plans de ce réseau et un devis estimatif dans les plus brefs délais. Enfin, l'opérateur devait installer un système permettant l'accès du haut débit avec un Noeud de raccordement zone d'ombre (NRAZO), avec une demande de complément de financement auprès du conseil général. Par délibération, le conseil avait accepté ces propositions et faisait les démarches pour le financement du NRAZO, de l'ordre de 80.000 €, auprès du conseil général. Or voilà, par le biais d'une conférence téléphonique, le nouveau directeur régional, M.Brunet a informé le maire que France Telecom n'a plus les moyens de tenir ses engagements. «Ce n'est pas remis en cause, mais cela est reporté».

    Des dysfonctionnements réapparaissent

    Seulement, les 80 foyers sont à bout, ils pensaient avoir le haut débit à Noël, vaines espérances. Les travaux d'aménagements du bourg sont arrêtés, car France Telecom n'a toujours pas envoyé les plans du réseau. «Encore une fois, les conséquences sont désastreuses pour la collectivité. Certaines personnes ne sont toujours pas raccordées. Les habitants se sentent floués. La solution satellitaire doit être provisoire, d'autant plus qu'avec les premiers coups de vents hivernaux, des dysfonctionnements commencent à réapparaitre sur l'antenne», a conclu le maire.

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    Téléphone. France Telecom campe sur ses positionsPayant

    23 janvier 2010

    La position de France Telecom est très claire. Le groupe, par la voix de son directeur régional, considère que les conditions du service universel sont assurées avec la boucle...

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  • Mairie COATASCORN 22140
    Le Bourg
    22140 COATASCORN
    Telephone : 0296470055
     


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  • L’AFFAIRE DE COATASCORN
     


     

    Bagnard à Brest

       Lorsque j’ai découvert l’acte de décès d’Yves LE MEN, mon Sosa 72, en date du 10 décembre 1823 sur les registres d’Etat Civil de Coatascorn, je n’ai pas été particulièrement intrigué par le fait qu’il s’agissait d’une transcription d’acte enregistré par la Mairie de Brest, ni par le lieu du décès, les hôpitaux maritimes, ni même par la profession des témoins, tous deux gardiens à ces mêmes hôpitaux. C’est tout juste si je m’interrogeais sur les circonstances qui avait amené un petit cordonnier de Coatascorn à aller finir sa vie dans un port du Finistère. C’est à l’occasion d’un déplacement au CG29 que j’évoquais ces questions lors d’une conversation sur le dépouillement des archives des hôpitaux maritimes. La réponse de mon interlocuteur, Monsieur Jean LE BRIS, fut immédiate " Si votre cordonnier n’était pas un marin d’Etat c’était très certainement un bagnard "… Quelques semaines plus tard il m’adressait un courrier confirmant cette hypothèse.

       A la lecture des noms des autres condamnés de la bande, je m’aperçus que l’un d’eux n’était autre que Jean-Claude MALARGÉ mon Sosa 74. Passe encore de découvrir un bagnard parmi ses ancêtres, mais deux d’un coup…

       Il ne me restait plus qu’à aller consulter les archives de la Cour d’Assises de Saint-Brieuc pour l’année 1817 afin de tenter d’en apprendre plus. L’affaire était un crime de droit commun dont la banalité le dispute au sordide. Le dossier offert à la consultation révèle, au fil des procès verbaux de gendarmerie, des enquêtes du juge de paix chargé de l’instruction, des mandats de dépôt, des témoignages, interrogatoires et inventaires, tout l’historique de l’affaire dans sa complexité et ses détails.

       C’est ce qui m’a permis de reconstituer les faits dans leur chronologie et d’en tirer le récit que voici :

       En ce mois de février 1817 la vie est bien dure dans les campagnes trégorroise bordant la vallée du Jaudy. L’épopée napoléonienne s’est terminée par l’abdication de l’Empereur le 22 juin 1815 et le retour des Bourbons. Les guerres incessantes et l’occupation étrangère ont ruiné la France où la Révolution n’a pas pu effacer l’Ancien Régime économique dominé par une agriculture archaïque. Une terrible crise de subsistance secoue le pays. Le peuple des campagnes redoute le retour des droits féodaux et vit dans un monde fermé caractérisé par la brutalité des mœurs et une ignorance générale.

       Le 6 février 1817 la jeune Marie-Jeanne MEUBRY, âgée de quatorze ans, filandière de profession, demeurant au village de Garnel en la Commune de Coatascorn, se rend chez Yves BOUSSOUHAN à son domicile au bourg de Runan pour y mendier un morceau de pain. BOUSSOUHAN tisserand et couvreur en paille, âgé de quarante-huit ans, ne lui donne rien. Il lui dit simplement connaître un endroit où il y a de la nourriture et la convie à l’accompagner le soir même. Il a soigneusement préparé son coup en recrutant ses complices.

       D’abord Yves LE MEN, âgé de trente-neuf ans, cordonnier à Coatascorn, chez lequel il s’est rendu quelques jours auparavant sous prétexte de faire arranger ses souliers mais plus vraisemblablement pour mettre au point les détails de l’opération.

       Ensuite Jean MALARGÉ, âgé également de trente-neuf ans, couvreur en chaume. BOUSSOUHAN et MALARGÉ se connaissent. Tous deux habitent Runan et exercent la même profession. Ils se sont rencontrés le 5 février et BOUSSOUHAN a proposé à MALARGÉ de lui faire avoir quelque chose pour l’aider à vivre, car l’année est bien dure.

       Enfin Yves GUILGARS, veuf, âgé de cinquante-trois ans, laboureur à Runan. Il était au lit lorsque BOUSSOUHAN est venu à son domicile pour l’engager d’aller avec lui le lendemain commettre un vol.

       Ces quatre hommes ont-ils déjà fait des expéditions en commun ? Nul ne peut l’affirmer mais l’hypothèse reste plausible car BOUSSOUHAN a eu peu de difficultés, semble-t-il, à convaincre ses complices, dont il a la confiance au point de s’ouvrir à eux de ses projets criminels... MALARGÉ aurait déjà proposé récemment à BOUSSOUHAN d’aller voler des abeilles. Il semble que dans certaines auberges on évoque ouvertement des projets de vol en citant les noms de ceux qui sont déjà convaincus d’y participer pour tenter d’en enrôler d’autres. Un vol de grain a eu lieu à Runan. Des suspects sont en prison.

       Quatre femmes se sont jointes à eux.

       La fille de BOUSSOUHAN, prénommée Françoise, filandière, âgée de vingt et un ans. Au cours du vol et de l’enquête qui va suivre, celle-ci aura un comportement singulier fait à la fois d’autoritarisme, de bavardages incongrus et de versatilité.

       La fille de GUILGARS, prénommée Marie, filandière, demeurant à Runan avec son père. Elle prétend avoir participé sous la sollicitation et la menace de BOUSSOUHAN et de sa fille. Cependant c’est peut-être elle qui a entraîné son père dans l’affaire.

       La nièce de MALARGÉ, prénommée Marie-Jeanne, âgée de vingt ans, née de père inconnu d’une sœur de Jean MALARGÉ chez lequel elle demeure et travaille en qualité de domestique, manifestement entraînée de force dans l’opération sous la contrainte de son oncle qui l’exploite et la maltraite probablement avec l’assentiment de sa tante Marie-Yvonne JULOU. Cette dernière, mise au courant du vol projeté par son mari, attendu sa misère refuse de participer et même, prétendra-t-elle, s’efforce de le détourner de son projet.

       Et enfin la jeune Marie-Jeanne MEUBRY avec sa faim au ventre, ses pieds nus et ses quatorze ans...

       BOUSSOUHAN est sans conteste le chef de bande. Le 3 février il propose d’ailleurs à Jeanne KERGAL, chez Jean PERON, beau-frère de Marie-Jeanne MEUBRY, aubergiste au bourg de Runan, de se joindre à lui " Ta mère est malade. Tu es dans le besoin. Viens avec nous, nous avons un tour à faire qui te procurera de l’argent " sans préciser le lieu mais en nommant ses associés, dont LE MEN. Est-ce une ruse ? Une vantardise ? Les intéressés ont-ils eu peur ? Ont-ils participé à d’autres vols ? Pour la plupart ils ne feront pas partie de l’expédition de Coatascorn. A cette occasion BOUSSOUHAN se vante d’avoir déjà commis un vol de trois boisseaux et demi de pommes de terre. C’est certainement un récidiviste.

     

    Carte de Cassini - Coatascorn
    Carte de CASSINI représentant Runan, le Pont St-Vincent sur le Jaudy,
    le bourg de Coatascorn et le Hameau de Kerviniou.

       Dans la soirée du jeudi 6 février la bande se réunit chez BOUSSOUHAN à Runan. La préméditation est manifeste. BOUSSOUHAN a fabriqué deux masques l’un pour lui, l’autre pour sa fille, mais celui-ci sera porté par Marie GUILGARS. Il a donné les souliers de sa femme à Marie-Jeanne MEUBRY qui marchait pieds nus. Jean MALARGÉ quant à lui portait une chemise par-dessus son habit et sur la tête un carapoue (1). La bande se rend à Coatascorn en empruntant le Pont Saint-Vincent sur le Jaudy. Il faut imaginer ces sept silhouettes marchant à pas pressés dans la nuit d’hiver sur les chemins boueux bordés de talus et de bois. La petite troupe ne rencontre personne. A Coatascorn, ils prennent à son domicile Yves LE MEN, l’indicateur du coup, qui s’est noirci le visage. La bande désormais au complet se dirige vers le hameau de Kerviniou au domicile de Guillaume TILLY, cultivateur, et son épouse Yvonne LE ROUX, ménagère, tous deux âgés d’une cinquantaine d’années. Ce sont manifestement des paysans aisés qui possèdent des réserves de nourriture, du linge et des vêtements mais rien ne prouve qu’ils soient riches et détiennent de l’or. Lors de l’instruction du vol par Julien HERVIOU, juge de paix du Canton de La Roche-Derrien, ils seront qualifiés comme vivant du travail de leurs mains ; ce ne sont que de simples fermiers et ils sont (désormais) entièrement ruinés.

       Il est sept heures du soir. Les aboiements du chien alertent TILLY alors qu’il travaille après souper. Il entrouvre le vantail de la porte et se trouve immédiatement assailli par BOUSSOUHAN qui l’attrape aux cheveux. Lui-même saisit son agresseur par le toupet et le rejette. Ce dernier crie " Allons donc garçons, à mon secours ! ". Yvonne LE ROUX hurle. Quelqu’un dit " Allez à cette garce ". MALARGÉ se précipite sur elle, la courbe, lui recouvre la tête avec ses jupes et la jette à terre. TILLY est également jeté à terre dans l’entrée. On lui brouille ses cheveux (qu’il devait avoir fort longs) avec lesquels on lui attache un bras. Le bras gauche est fixé au sol par une fourche en fer à trois dents qui traversent la manche de son gilet. Ses jambes sont liées et une couette de balle(2) est mise sur sa tête pour l’aveugler et ses bras attachés en croix au moyen d’une corde. Pendant ce temps Marie GUILGARS saisit la femme à la gorge et la serre à l’étouffer en lui demandant où est son argent ; MALARGÉ jette sur elle une maie à pâte (3) et son couvercle, puis on l’immobilise avec le couvercle d’un banc clos, un banc pour la préparation du lin, un rouet, une couette et toute la paille d’un lit. Elle est laissée à la garde de Marie GUILGARS et de Marie-Jeanne MEUBRY.

       La maison retentit des vociférations des malfaiteurs : " Allumons du feu, mettons-les-y.... Brûlons la maison... De l’argent... De l’argent ! "... BOUSSOUHAN s’acharne sur TILLY à coup de pieds et de genoux, lui heurtant violemment la tête sur le sol, puis, par deux fois, lui découvre le cou en menaçant de l’égorger et en lui serrant la gorge à deux mains. TILLY indique alors dans laquelle des deux armoires est caché son argent mais sa femme l’avait dissimulé dans l’une de ses poches. Irrités de ne pas trouver les pièces à l’endroit indiqué les malfaiteurs reviennent exercer sur lui leur rage de plus belle. Les coups redoublent. Une des armoires est ouverte avec une clé, l’autre est forcée par MALARGÉ à l’aide d’une hache. Françoise BOUSSOUHAN découvre une burette d’eau-de-vie et la partage pour moitié avec son père et alors son sang s’anime et elle fait grand carillon dans la maison ...

       LE MEN qui s’avère être le plus terrible parcourt la maison en furieux et trouvant une poule cachée sous une armoire lui tord le cou. " LE MEN que faites-vous  ? " crie Marie-Jeanne MALARGÉ épouvantée par cette atrocité. " Qu’appelles-tu LE MEN ? " répond-il en lui donnant un coup de pied dans l’estomac dont elle serait restée malade pendant cinq à six jours.

       Yvonne LE ROUX est également soumise à de mauvais traitements. Elle reçoit continuellement des coups de genoux et des bourrades. Tandis qu’elle a perdu connaissance LE MEN lui brûle le pied gauche avec une poignée de feu (4) qu’il avait prise au foyer et lui porte sur les côtes de violents coups de pied. Est-ce vrai ? LE MEN prétendra que c’est pour éteindre de la paille qui brûlait dans le foyer et menaçait la jambe de la victime qu’il lui a sauté dessus afin d’éteindre le feu. L’excuse paraît peu vraisemblable. Se sentant sur le point de perdre sa respiration elle déclare avoir dans sa poche 7 ou 8 écus . Mais la fille BOUSSOUHAN s’en était déjà emparé à l’insu de ses complices. MALARGÉ, hors de lui, menace de tuer sa victime d’un coup de pistolet qu’il feint d’avoir entre la chemise et le gilet ; il lui donne avec brutalité des coups de pied sur la tête et sort son couteau mais Marie GUILGARS et Marie-Jeanne MALARGÉ le lui arrachent...

       Alors on vide la maison de ses biens. Dans de grands sacs dont les voleurs se sont munis on entasse pour les emporter du fil, le linge du ménage, toutes les hardes (5) de la femme, la presque totalité de celles de l’homme, 150 kg de froment, 100 kg d’orge, 13 kg de farine de froment, 20 kg de farine de seigle sassée (6), 30 kg de lard, 10 kg de graisse, deux pots de beurre pesant ensemble 25 kg. Bien sûr on s’empare des quatre pièces de 5 francs et de 80 centimes, seul argent qu’il y eut dans la maison. A chaque fois qu’un sac est sorti de la maison pour être entreposé sur l’aire, on marche sans précaution sur le corps de TILLY qui se trouve près de l’entrée dans le passage. En partant les voleurs prennent la peine de fermer la porte à clé du dehors et d’attacher la clé à une perche avec un lacet pour empêcher qu’on les poursuive. Il est 20 heures. L’opération a duré environ une heure.

       TILLY et sa femme en conserveront des blessures, certes légères, constatée par le Sieur LUCAS, Docteur en médecine de Tréguier le dix-huit février. Il ne constate ni lésions, ni contusions après avoir ôté les emplâtres de térébenthine placés où furent portés les coups. Il note cependant l’existence de douleurs et d’une grande frayeur résultant des mauvais traitements.

       Après leur départ on trouve un masque, celui que portait Marie GUILGARS qu’elle avait arraché en entrant, une vieille paire de souliers abandonnés par Françoise BOUSSOUHAN en échange de ceux d’Yvonne LE ROUX et un bâton dont l’un des malfaiteurs s’était muni...

       L’ensemble des biens volés représente une charge de l’ordre de 400 kg soit 50 kg en moyenne par personne aussi est-il hors de question de ramener la totalité du butin le soir même à Runan. On effectue le partage du linge, du froment et du beurre au domicile de LE MEN chez lequel on en laisse une partie et on cache le blé dans un mulon de gled (7). Sur le chemin du retour, au Pont Saint-Vincent, Jean MALARGÉ, fatigué de porter deux potées de beurre, veut contraindre sa nièce Marie-Jeanne à les prendre sur sa tête par violence et mauvais traitement mais elle s’y refuse lui conseillant de tout jeter à la rivière, ajoutant qu’ils avaient fait un mauvais coup. Et chacun regagne son domicile.

       Quelques jours plus tard les membres de la bande (et peut-être aussi Jean PERON, le beau-frère de Marie-Jeanne MEUBRY et Marie-Yvonne JULOU, l’épouse de MALARGÉ, sans que ces accusations formulées par LE MEN puissent être prouvées) se rendent de nuit séparément à Coatascorn pour récupérer la part de butin qui leur revient. Si le beurre, le lard et le froment peuvent faire l’objet d’une consommation immédiate, il est nécessaire de porter le froment au moulin pour obtenir de la farine. Il faut surtout vendre le fil et une partie du linge pour obtenir de l’argent. Il est hors de question de faire cela à Coatascorn ou à Runan aussi plusieurs vont entreprendre individuellement une tournée pour brader quelques vêtements. Ainsi Jean MALARGÉ choisit Squiffiec où il travaille pour y vendre deux jupes rayées et un tablier de berlinge  achetés pour la somme de cinq francs par Catherine CARVENNEC et aussi une culotte(8) achetée par un nommé Maurice BRIAND. Il disait que sa femme et ses enfants périssaient de faim et qu’il lui fallait vendre ses hardes pour vivre, mais il a tout dépensé son argent en boisson. GUILGARS emporte sa part constituée de deux jupes, dont l’une de berlinge(9) blanc, du côté de La Roche-Derrien chez sa sœur qui, apprenant qu’elles avaient été volées, les jette à la mer.

       Si chaque vente de vêtements constitue une prise de risques, il est encore plus dangereux de conserver dans les armoires des habits, du linge et des écheveaux de fil facilement identifiables. Le danger majeur va résider dans les bavardages inconsidérés de Françoise BOUSSOUHAN faits à la fois par vantardise et par bêtise. Plusieurs personnes Françoise EVEN veuve MAUDEZ, Marie-Jeanne LE CALVEZ femme de René LE PEUCH, Jeanne-Yvonne LE PEUCH, Marie LE PEUCH recevront ainsi les confidences de Françoise BOUSSOUHAN qui leur révélera les détails de l’expédition de Coatascorn et les noms des participants. Elles rapporteront ces informations dans leur déposition dès le 9 avril.

       Mais ce sont surtout les perquisitions effectuées aux domiciles des malfaiteurs qui vont les perdre. Les autorités judiciaires enquêtent sur l’affaire de Coatascorn mais également sur un vol commis dans la propriété d’un sieur Yves NICOL. La rumeur publique les oriente vers Yves BOUSSOUHAN. Le 2 mars 1817, une perquisition est entreprise au domicile de celui-ci en présence de TILLY et de sa femme qui reconnaissent immédiatement une paire de bas portée par Marie-Anne CADIOU, épouse de BOUSSOUHAN, ainsi que huit écheveaux de fil blanchi, divers vêtements et pièces de linge. BOUSSOUHAN se trouble. Le juge d’instruction note une altération sensible dans ses traits et une palpitation qu’il prétend attribuée à un mal qui le tourmente depuis longtemps. Les plaignants déclarent également identifier BOUSSOUHAN pour être celui qui prononçait d’une voix un peu sourde ces mots en langue bretonne Doannet vin, évin daonnet, daonnet vo-inainez (10). Rapidement l’opinion du juge est faite malgré les dénégations de l’intéressé. Le 3 mars François TREMET, tisserand à Coatascorn reconnaît la nappe, le coton de la coiffe, une chemise et du fil qu’on lui présente pour les avoir œuvré à Guillaume TILLY et sa femme. De même Catherine FOUCAULT déclare avoir confectionné les bas qu’on lui présente et qu’ils appartiennent à la femme TILLY et qui sont d’autant plus faciles à reconnaître qu’ils sont composés de trois espèces différentes de laine et fils.

       Le Juge de Paix de Pontrieux tente de faire la liaison entre l’affaire de Coatascorn et un vol de blé commis à Runan et conclut que si ces deux méfaits ne sont pas liés le progrès de l’enquête fait que la sécurité renaît dès qu’on a pu connaître où sont et quels sont les malfaiteurs, mais malheureusement les principaux sont libres et on les connaît bien, il ne manque que des preuves…

       Le 4 mars un mandat de dépôt est délivré à l’encontre d’Yves BOUSSOUHAN, prévenu de vol avec effraction, incarcéré à Guingamp.

       Le 2 avril chez Yves LE MEN le juge d’instruction trouve dans une armoire un petit bonnet de toile blanche, ou coiffe de dessous, identifiée par les victimes comme en provenance de chez eux. LE MEN affirme qu’il provient de la succession d’Anne LE MEN décédée depuis plus de quatre ans.

       Le 9 avril Françoise BOUSSOUHAN manipulée par le juge qui lui affirme que la justice aura égard à sa collaboration dans l’enquête pour l’appréciation de sa culpabilité, avoue sa participation au vol, en expose les circonstances et le déroulement puis dénonce les participants. Une perquisition effectuée le même jour chez Yves GUILGARS permet de reconnaître quelques effets volés.

       Il faut remarquer que l’enquête est menée de façon très minutieuse. Les personnes qui ont fabriqué les tissus sont convoquées pour les identifier. Ceux qui ont reçu des confidences, ceux qui ont acheté des vêtements, sont invités à déposer. Les accusations sont soigneusement recoupées. Chose curieuse : à aucun moment le nom de Catherine ROUZAUT, épouse d’Yves LE MEN n’est cité.

       Les différents protagonistes, à l’exception de BOUSSOUHAN qui niera jusqu’au bout, finissent par avouer. Ils sont incarcérés à Guingamp où ils subissent un interrogatoire le 12 avril devant le juge d’instruction en présence d’un interprète attendu que les prévenus ne parlent que l’idiome breton. Seule Marie-Yvonne JULOU, épouse de Jean MALARGÉ, contre laquelle des charges suffisantes n’ont pas été retenues, n’est pas poursuivie. Le dossier est transmis au Procureur du Roi le 15 avril 1817.

       Dans un interrogatoire du 28 mai Françoise BOUSSOUHAN revient sur ses aveux et nie toute participation et Marie-Jeanne MALARGÉ reconnaît les faits mais invoque la contrainte.

       Le 15 juillet le Tribunal de première instance de Guingamp attendu que la prévention de culpabilité est suffisamment établie contre tous les prévenus à l’exception de Marie-Yvonne JULOU, ordonne qu’ils soient pris et appréhendés au corps et constitués prisonniers en la maison de Justice.... Le dossier est transmis au Procureur Général en la Cour Royale de Rennes et le 10 septembre un Arrêt de cette Cour met en accusation BOUSSOUHAN et sept autres détenus à Guingamp pour vol et mauvais traitements et les renvoie à la Cour d’Assises des Côtes-du-Nord.

     

       Ils comparaissent devant la Cour d’Assises de Saint-Brieuc le 27 octobre 1817. Tous les prévenus, à l’exception de Marie-Jeanne MEUBRY, sont déclarés coupables par la Cour qui les condamne aux travaux forcés à perpétuité et ordonne qu’avant leur peine ils seront conduits sur la principale place publique de cette ville pour y être attachés au carcan où ils demeureront exposés au regard du peuple durant une heure, qu’au-dessus de leur tête sera placé un écriteau portant en caractères gras et lisibles leur nom, profession, domicile, leur peine et la cause de leur condamnation, qu’immédiatement après ils seront flétris sur la même place publique par l’application d’une empreinte avec un fer brûlant sur l’épaule droite des lettres T.P. (11). En ce qui concerne la jeune Marie-Jeanne MEUBRY attendu que cette enfant n’a aucun moyen pécuniaire ni parents en état de lui procurer des moyens d’existence, afin de la retirer de l’état de mendicité auquel elle se livre habituellement, la Cour ordonne qu’elle restera détenue dans une maison de correction jusqu’à ce qu’elle ait atteint sa vingtième année.

       Le 5 novembre 1817 à une heure d’intervalle les trois femmes et quatre hommes sont exposés et flétris à Saint-Brieuc. Les hommes sont remis au bagne de Brest par la correspondance(12) de 25 décembre de la même année et les femmes purgeront leur peine à la prison de Rennes.

    Forçats au pied du Château

       Que sont-ils devenus ?

       Marie-Jeanne MALARGÉ sera libérée le 10 septembre 1824, Françoise BOUSSOUHAN le 10 septembre 1826 et Marie GUILGARS devra attendre le 25 février 1831 pour recouvrer la liberté.

       Yves BOUSSOUHAN verra sa peine commuée en 15 ans de réclusion le 15 août 1835.

       Yves LE MEN mourra au bagne le 10 décembre 1823 et Jean MALARGÉ le 15 septembre 1831.

       Je n’ai pas pu retrouver la trace de la petite Marie-Jeanne MEUBRY.

       Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

       Jean-Marie LE MEN, le fils d’Yves, né le 9 mars 1813 (donc âgé de quatre ans au moment des faits) épousera le 18 octobre 1834, à Plouec-du-Trieux Marie-Yvonne MALARGÉ, la fille de Jean, née le 27 novembre 1812. Est-ce un mariage d’amour ? Un mariage de raison ? Un mariage d’intérêt ? En 1834 l’affaire n’est pas si vieille au point d'avoir été oubliée.

       Cette union sera féconde puisque le couple aura dix enfants entre 1835 et 1854 tous nés à Plouec-du-Trieux. Le plus remarquable sera l’ascension sociale que connaîtra Jean-Marie, laboureur de profession lors de son mariage, puis au fil des actes de l’Etat civil sur lesquels il trace une signature malhabile (d'après son modèle), fournier, cultivateur, débitant de boisson, aubergiste, commerçant pour mourir rentier en 1893 à près de 80 ans à Ploézal.

       Non moins remarquable sera sa volonté de donner de l’instruction sinon à ses enfants, tout au moins à ses fils. En effet si trois des filles épouseront un sacristain, un laboureur et un marin, manifestement de condition modeste, quatre garçons, Rolland, François, Joseph et Jean-Louis (mon arrière-grand-père) poursuivront leurs études pour devenir instituteurs, les hussards noirs de la République, dont seront issues plusieurs générations d’enseignants (jusqu'à mon père) qui, pour beaucoup, ont exercé dans les Côtes-d’Armor.

       Ils étaient des hommes et des femmes fiers de leur métier et pénétrés de leur mission. Savaient-ils que deux de leurs ancêtres étaient morts dans les chaînes du bagne de Brest quelques dizaines d’années auparavant ? Sans doute non. Au fil des années le voile pudique du secret s’est abattu sur l’affaire de Coatascorn et il a fallu le hasard de recherches généalogiques pour renouer les fils de cette sombre histoire...

     

    (1) probablement une cagoule
    (2) résidu de battage de l'avoine servant à la confection des matelas
    (3) pétrin
    (4) sans doute des braises ou un tison
    (5) vêtements
    (6) tamisée
    (7) roseaux servant à la couverture des maisons
    (8) pantalon
    (9) tissus dont la chaîne est de lin et la trame de laine
    (10) "Que je sois damné, que mon âme soit damnée"
    (11) pour "Travaux à perpétuité"
    (12) la "chaîne", de triste réputation qui, passant de ville en ville,conduisait les condamnés vers le bagne

    Sources :
    - A.D. 22 - Saint-Brieuc - Justice - Cote 2 U 232
    - Etat civil de Coatascorn, Plouec-du-Trieux et Ploézal
    - Matricule du bagne de Brest (avec un remerciement tout particulier à M. Jean LE BRIS)
    - Survivre au Bagne de Brest - Philippe JARNOUX - Editions Le Télégramme
    - Bagnards à Brest - Philippe HENWOOD - Editions Ouest-France

    Les photos sont extraites des livres de Philippe JARNOUX et Philippe HENWOOD.
    - Forçat à perpétuité - Noël et de Moraine
    - Forçats au pied du château de Brest - Ciceri - (Musée municipal de Brest)

    Ce texte a fait l'objet d'une publication :
    - dans le N°54 de Généalogie 22 Bulletin de liaison du Centre Généalogique des Côtes d'Armor (Avril 2002)
    - dans le N°7 de Auprès de mon Arbre Bulletin du Cercle Généalogique Norvillois (Saison 2001-2002)

    Annexes : Copie de la matricule
    Yves LE MEN, 39 ans, taille 1,67 m, cheveux et sourcils bruns, barbe idem mêlée de gris et de roux, visage ovale plein coloré légèrement marqué de petite vérole, yeux roux, nez long effilé, bouche moyenne, menton rond relevé, front haut bombé large et ridé y ayant une cicatrice entre les deux sourcils, la tête chauve, une petite verrue près de la narine gauche, les oreilles percées…

    Jean MALARGÉ, 39 ans, taille 1,55 m, cheveux , sourcils et barbe châtain clair, visage ovale légèrement marqué de petite vérole, yeux gris, nez moyen gros du bout tournant un peu à droite, bouche petite de travers, menton rond double, front moyen bombé y ayant une cicatrice au milieu, une petite cavité à la joue sous l’œil gauche…


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